Certaines personnes se souviennent encore de l’humour mordant des Chiens de Navarre, qui étaient venus en 2016 à Montréal et Ottawa nous faire marrer avec Les armoires normandes. La fête continue ! La troupe nous entraîne cette fois-ci d’une assemblée politique aux urgences psychiatriques, comme un hallucinant et halluciné laboratoire d’observation de la dérive humaine. Personne ne sera épargné par la fureur hilare de ce spectacle-tornade qui a tout dévasté lors de son passage en Europe.
Sept interprètes indomptables et leur chef de tribu, Jean-Christophe Meurisse, sont lâchés lousses sur scène. Ils et elles déballent, sous nos yeux écarquillés, une succession de tableaux scéniques, mi-orchestrés, mi-improvisés, tous à la fois crus, cruels et désopilants. Le trivial flirte avec le tragique : la banale histoire d’une femme grotesquement objectivée par la chirurgie plastique côtoie l’horreur de découvrir que la machine distributrice de la salle des employés est encore en panne ! Toutes nos folies intimes et collectives s’accumulent en strates, dans un habile décor en baies vitrées qui montre l’intérieur et l’extérieur d’un party apocalyptique… auquel personne n’a vraiment été invité.
La question viscérale qui ressort de cette satire féroce est lancée (et l’on ne pourra plus l’arrêter) : est-ce que la névrose qui accable un individu n’est pas un tout petit symptôme de l’hystérie colossale de notre monde actuel ? Au moins, il reste le rire comme thérapie.
« Certes, nous souffrons à cause de papa et maman (Tout le monde ne peut pas être orphelin), mais nous souffrons aussi à cause de l’état du monde.
Nous sommes inévitablement poreux aux violences, aux crises, aux incohérences politiques et sociales, aux transformations brutales de notre civilisation. Les micro folies de notre siècle peuvent engendrer les macro folies d’une personne et le besoin de consolation peut vite devenir alors impossible à rassasier, comme dirait notre bon vieux Dagerman. Pouvons-nous tous devenir fous ? Qu’est-ce qui nous empêche de passer à l’acte ? Il n’y a rien de plus humain que la folie.
Le service des urgences psychiatriques est l’un des rares endroits à recevoir quiconque à toute heure sans exception d’âge, de sexe, de pays. Un lieu de vie extrêmement palpable pour une sortie de route. Un sas d’humanité. »
Fondée en 2005 par Jean-Christophe Meurisse, la compagnie théâtrale française Les Chiens de Navarre est reconnue pour son approche audacieuse et irrévérencieuse du théâtre contemporain. Leur travail, principalement basé sur l’improvisation, explore des thèmes sociétaux avec un humour corrosif et une énergie débordante. Les spectacles, souvent construits autour de saynètes déjantées, mêlent situations brutales, poétiques, drôles et émouvantes, offrant au public une expérience théâtrale unique. Parmi leurs créations notables figurent Une raclette (2009), Quand je pense qu’on va vieillir ensemble (2013), Tout le monde ne peut pas être orphelin (2019) et La vie est une fête (2022).